Chinland

Robin Tutenges

Depuis le coup d'Etat du 1er février 2021, qui a vu la junte militaire renverser le gouvernement d'Aung San Suu Kyi, la Birmanie est plongée dans le chaos. Une guerre civile fait rage sur la quasi-totalité du territoire, opposant la junte à une myriade de groupes armés créés ou renforcés en réaction au coup d'Etat.

L'État Chin, isolé dans les montagnes à l'ouest du pays, près de l'Inde, est le symbole de cette résistance. C'est l'une des premières régions à s'être soulevée. L'ethnie qui peuple ces terres, les Chin, sont majoritairement chrétiens d'obédience protestante et ont été persécutés par les gouvernements militaires successifs. La junte actuelle n'a pas fait exception. Massacres, crimes de guerre, destruction des villages et des églises: au Chinland, la terre des chin, la junte bouddhiste a montré l'étendue de sa cruauté, dans cette guerre qui a fait des milliers de victimes civiles à l'échelle du pays.

Ces exactions impunies poussent, depuis plus de 3 ans, la jeunesse chin à rejoindre l'une des dizaines d'organisations combattantes formées dans l'État, notamment la Chin National Army (CNA), qui rassemble aujourd'hui près de 3.000 combattants. Dans le camp Victoria, leur fief d'origine, des centaines de jeunes soldats, parfois âgés d'à peine quinze ans, se pressent pour apprendre le maniement des armes, et participer ainsi à la révolution. Ici, l'on se bat pour le retour de la démocratie, l'instauration d'un État fédéral -synonyme d'autonomie pour leur ethnie- mais aussi pour avoir un avenir.

Fin 2023, une offensive majeure coordonnée par trois groupes armés ethniques dans le nord a chamboulé le rapport de force en Birmanie, incitant les autres mouvements de résistance du pays à redoubler leurs offensives. Depuis, les différents groupes Chin enchaînent les victoires et près de 80% du territoire de l'État est sous leur contrôle, poussant la junte à se replier dans les grandes villes assiégées. Au milieu du chaos, les populations civiles paient le prix fort de cette guerre. À chaque village chin bombardé et endeuillé, des familles entières sont poussées à l'exode, rejoignant le flot des quelque 3 millions de déplacés internes à l'échelle du pays. Un quart de la population de l'État Chin a déjà été contraint de fuir les combats.

Using Format