La frontière des larmes
Robin Tutenges
Arrestations arbitraires, tortures, travaux forcés... au Xinjiang, région du nord-ouest de la Chine, le Parti Communiste Chinois cherche à annihiler toute velléité de résistance parmi les minorités ethniques et religieuses. Une froide machine répressive s'est mise en place depuis 2014, marquée par des millions d'incarcérations dans des camps de «rééducations», où Ouïghours, mais aussi Kazakhs et autres minorités ethniques, sont enfermés.
Depuis le début de cette répression, la frontière entre le Xinjiang et le Kazakhstan s'est transformée en une frontière de larmes. Les rescapés des camps parvenus à la franchir pour se réfugier au Kazakhstan rapportent avec eux les récits de cette vaste entreprise de déshumanisation. Qu'ils y aient passé 6 mois, 1 an, 2 ans, tous en sont ressortis brisés, de corps comme d'esprit. De l'autre côté de la frontière, ils retrouvent également les familles rongées par l'attente de la libération d'un proche, toujours enfermé dans un de ces camps. Une libération qui passe parfois par l'action de quelques militants locaux, malgré les pressions et le silence du Kazakhstan -allié économique de la Chine.
Pour les rescapés du Xinjiang, la sortie des camps est rarement une libération, mais souvent le début d'un nouveau calvaire. Il leur faut désormais apprendre à revivre, en silence, au Kazakhstan et se glisser dans un quotidien où leurs traumatismes ne sont pas reconnus. Nombre sont celles et ceux qui présentent des séquelles physiques et psychologiques. Cette répression chinoise au Xinjiang passe aus- si par un génocide culturel. Pour survivre, la culture ouïghoure a dû se déplacer vers le Kazakhstan, où plusieurs artistes tâchent de préserver une mémoire commune, tout en dénonçant les camps.